Tout ou presque a déjà été écrit sur la pêche au jig. Son efficacité semble être un fait établi et tout pêcheur de bass en possède au moins quelques exemplaires. Pourtant, il est incroyable de constater que son utilisation spécifique sur les brochets reste assez limitée, voire confidentielle.
J’ai pour ma part rédigé mon premier article sur ce sujet, après quelques années de pratique, en janvier 2013 (dans le magazine Predators) et suis encore et toujours étonné depuis par la timidité avec laquelle il est utilisé. Il n’en demeure pas moins un outil extraordinaire pour faire réagir ce carnassier… Mieux, il permet de capturer très régulièrement de très beaux sujets tout en péchant avec du matériel léger.
LA PÊCHE AU JIG ?
Le « rubber jig », puisque c’est de lui qu’il s’agit, désigne en fait cette tête plombée, souvent équipée d’une brosse anti-herbe, agrémentée d’une jupe. Composée de fibres de caoutchouc (rubber) ou de silicone, celle-ci adopte un comportement particulier et donne à notre arme un look un peu atypique
Alors que l’on a tendance à toujours rechercher une quelconque ressemblance entre nos leurres et les proies couramment chassées par les poissons, ce vulgaire pompon n’est pas très rassurant, de prime abord, puisqu’il ne ressemble à rien !
C’est sans doute d’ailleurs ce qui explique en partie que son utilisation ne soit pas plus populaire auprès des pêcheurs de brochets. Peut-être les aficionados du bass sont-ils plus enclins à tester systématiquement les techniques qui font leurs preuves aux US ou ailleurs sur leur poisson favori… Peut-être sommes-nous trop frileux pour les adapter au brochet…
Toujours est-il qu’il suffit, comme souvent, de franchir le cap du scepticisme et de le plonger dans l’eau pour se convaincre de son efficacité. Rappelant le comportement d’une écrevisse lorsqu’on le fait tressauter sur le fond, son attractivité semble alors évidente… Mais le cantonner à cela serait maladroitement restrictif.
Même en recherchant le brochet, vous ne serez pas à l’abri de ce genre de surprise !
Le but de cet article n’est pas de rentrer dans un descriptif précis de chaque modèle (il en existe des centaines), de vous vanter les mérites des différentes formes de têtes plombées ou de vous présenter les qualités des différentes fibres composant les jupes.
J’utilise pour ma part les jigs de la marque Phenix, dont la réputation s’est justement construite à travers la conception de leurres métalliques de grande qualité. Mes préférés, sélectionnés justement par Florida Fishing pour l’usage dont il est question ici, sont les Weedless Swim Jig (et leur déclinaison à palette Weedless Jig Spin).
Ils sont magnifiques, leur brosse anti-herbe est parfaite et leur piquant est redoutable. Accessoirement, leur œillet est suffisamment large pour permettre l’utilisation d’un nœud agrafe en fluoro, bien plus fiable qu’une agrafe classique, quelle que soit sa marque. Enfin, autre atout et non des moindres, ils sont très résistants. Lorsque l’on sait que cette pêche se pratique généralement à courte distance et occasionne des combats très brefs mais puissants, on comprend l’importance de ce critère. Il est hors de question de tirer comme un bûcheron sur un gros poisson piqué dans les obstacles sans être sûr de la solidité de son hameçon.
Bref, pas besoin de tergiverser de ce côté-là donc, vous ne pouvez pas vous tromper en choisissant ces modèles.
LE LEURRE VERSATILE PAR EXCELLENCE
Du coup, nous allons simplement nous contenter de brosser (!) les situations dans lesquelles vous pourrez tirer le meilleur parti de ces formidables joujoux et constater que ceux-ci sont diablement adaptés à la pêche du brochet.
Le jig est pêchant partout et tout le temps. Il n’existe pas à mon sens de leurre plus versatile et régulier. Encore une fois, nous traitons ici du rubber jig au sens large du terme, en faisant volontairement abstraction de considérations trop techniques ou caractéristiques propres aux différents modèles.
S’il est admis que certains LS peuvent être efficaces en étant maniés de façon minimaliste alors que d’autres leurres demandent au contraire à être systématiquement animés vigoureusement par le pêcheur, sachez que le jig, lui, s’accommode bien des deux. Mais attention, pas de façon anecdotique, non… Il permet vraiment de prendre très régulièrement du poisson quelle que soit l’action de l’utilisateur.
Dès qu’il touche l’eau, il est potentiellement prenant, et ce, jusqu’à sa sortie de l’élément liquide. Il peut être pris à la descente, lors de brèves animations ou tremblements, lors de longues pauses et quand on le ramène… même à allure soutenue.
Cette particularité est bien évidemment accentuée par l’adjonction indispensable d’un trailer enfilé sur l’hameçon ; trailer signifiant littéralement remorque. Je ne traiterai pas ici du cas particulier des palettes métalliques. Comme précisé plus haut, les Weedless Jig Spin que j’utilise en sont déjà dotés et ne nécessitent aucune modification particulière.
LE TRAILER, COMPLÉMENT INDISPENSABLE AU JIG
Concentrons-nous donc sur les trailers souples… Ceux-ci ont pour effet, par exemple, d’augmenter le volume du leurre, d’en accentuer l’effet vibratoire et/ou de ralentir la descente de la tête plombée.
Ils peuvent aussi simplement permettre de skipper (lancer en faisant des ricochets) vos jigs sous les frondaisons. Autrement dit, cet accessoire est au moins aussi important que le modèle qu’il équipe et c’est à vous de composer le mariage idéal.
En définitive, ce custom a surtout pour mission d’augmenter l’attractivité de votre leurre. Vous pourrez le choisir assez discret, c’est une option, ou très vibrant en fonction de l’étendue et de la profondeur du poste que vous prospectez.
Le jig est efficace au fond comme au milieu de la colonne d’eau. Les fibres de sa jupe vibrent à la moindre sollicitation. Elles se regroupent lors des phases de traction, se déploient à chaque choc ou ralentissement, pour enfin venir se déposer très lentement vers le fond lors des pauses.
Le trailer peut simplement reprendre le même fonctionnement, comme le ferait un simple worm par exemple, comme accentuer l’action « nageante » lors de la récupération, comme avec un soft swimbait. C’est vous qui voyez et qui optez pour le combiné qui vous semble le plus adapté. Entre ces deux profils, les possibilités sont innombrables.
Mon trailer préféré depuis de nombreuses années est l’Hyper Freak 5’’ de chez Lake Fork. Très mobile, il est aussi efficace en animations verticales qu’en lancer ramener classique, où sa queue de castor génère de puissantes turbulences. Si je ne devais en utiliser qu’un, ce serait celui-là.
Lorsque je veux alterner un peu après un premier passage sur un spot, il n’est néanmoins pas rare que je le remplace par un Creature 5’’, toujours chez Lake Fork. Son profil, là aussi atypique, associe un grub et deux appendices latéraux créant de fortes vibrations.
Enfin, il m’arrive également d’équiper mon jig d’un soft swimbait Live Magic Shad en 4,5″ ou 5,5″ (encore et toujours chez Lake Fork) ou, depuis peu mais avec beaucoup de réussite, d’un Swammer en 4’’ de chez X Zone Lures. Ces deux dernières combinaisons, en plus de générer des vibrations complémentaires, ont la particularité, comme je le mentionnais plus haut, de favoriser grandement les skipping aidant à atteindre les zones les plus reculées sous la végétation surplombant la surface.
En fait, vous pouvez considérer le jig comme un support universel apte à rendre plus pêchant vos leurres souples. C’est un raccourci rapide mais c’est un peu ça.
Le Swammer de chez X Zone Lures
POURQUOI LE JIG EST-IL SI REDOUTABLE POUR LE BROCHET ?
Concernant le brochet, il faut tenir compte du fait que ce poisson est d’abord un opportuniste qui n’est pas taillé pour poursuivre longuement sa proie. Vous le savez tous et comprenez donc que pour lui, notre piège est une prise facile. Car si le jig permet de pêcher la pleine eau (swimming jig), c’est lors des frappes chirurgicales qu’il pourra le mieux s’exprimer. Car nul autre que lui ne permet de pêcher aussi précisément et lentement à distance. Je m’explique…
On ne parle bien évidemment pas ici de pêche verticale sous le bateau, même si elle est possible. Il s’agit bien de propulser un leurre sur un poste, de garder le contact efficacement avec lui et de faire en sorte qu’il soit prenant même à très faible allure…
Je n’aime pas particulièrement pêcher la pleine eau. Lorsque je le fais, c’est principalement avec de gros swimbaits et/ou parce que j’ai de bonnes raisons pour cela. En règle générale, ça m’ennuie assez vite. Je préfère largement les zones marquées et les bordures encombrées. Le problème, c’est que c’est le cas de beaucoup d’autres pêcheurs et que ces postes sont donc hyper-sollicités. Les poissons qui les occupent ont tendance à s’abriter au fin fond de leurs enchevêtrements de branches et autres obstacles. Dans ce genre de configuration, il est assez flagrant de constater qu’une pêche sur le pourtour des spots, aussi méticuleuse soit-elle, est bien moins régulièrement efficace qu’une recherche au cœur du cover. C’est là que le jig excelle. Equipé d’une bonne brosse anti-herbe, c’est un véritable leurre tout terrain.
Je procède généralement depuis un bateau ou un float tube. Même si ce n’est pas indispensable, cela facilite néanmoins pas mal la pratique de cette technique.
Avant toute chose, je prends soin de choisir le modèle le plus léger possible en fonction de la configuration pour garder une action assez planante. Dans l’immense majorité des cas, 10,5 ou 14 gr (trailer non compris) suffisent.
Concernant les coloris, je les choisis en principe en fonction de la turbidité de l’eau – prioritairement de façon à ce que mon leurre soit repérable sans être trop agressif – et associe donc à mon jig un trailer dans les mêmes tons. Néanmoins, je joue parfois au contraire la carte de l’excentricité et utilise des couleurs plus éclatantes et/ou fais contraster radicalement la jupe et le trailer. Tout est possible et il suffit d’essayer. Le plus important restant d’y croire et de s’appliquer.
Après avoir peigné au préalable le contour du spot, je m’attaque donc à la zone encombrée. Armé de bonnes lunettes polarisantes, je commence toujours par une phase d’observation. Si un gros arbre est couché sous l’eau, je me tiens dans son alignement, propulse mon jig en direction de la berge, sur le tronc, et le récupère lentement jusqu’à hauteur des premières branches. Ensuite, je tricote méthodiquement le houppier, passant de branche en branche sans descendre très profondément…
Il n’est pas rare de distinguer un poisson alors jusque-là suspendu sous les ramifications, se décaler et venir sanctionner l’imprudent.
Même en recherchant le brochet, vous ne serez pas à l’abri de ce genre de surprise !
Ensuite, ou en présence de simples bois noyés ou de végétation éparse, je lance au plus profond des structures et laisse couler en contrôlant le mieux possible ma bannière. Toute la subtilité est là. Il faut conduire le leurre jusqu’au fond sans contrarier sa chute. À cet instant, le contact visuel avec la ligne est indispensable. Le moindre décalage doit être sanctionné par un ferrage soutenu.
“Il n’y a pas de recette miracle…”
Une fois au fond, je laisse le jig posé quelques secondes et lui imprime quelques tremblements.
Il n’y a pas de recette miracle mais j’alterne alors des phases de très lente récupération, de tressautements et de pauses, avec des animations plus violentes et rapides. Tout peut fonctionner et il convient à chaque fois de s’appliquer à trouver la formule du jour. Pêcher les bordures (et/ou les structures) au jig, c’est pêcher précis, lentement, mais à un rythme soutenu. On couvre beaucoup de terrain et localise rapidement les poissons actifs. Les brochets, même gros, peu habitués à ce que l’on vienne les déranger au plus profond de leur tanière, répondent très bien à cette façon de procéder.
QUEL MATÉRIEL PRIVILÉGIER ?
Pour opérer efficacement et optimiser mes résultats, j’utilise des cannes suffisamment tactiles et puissantes. Mes références absolues en la matière sont les St.Croix Legend Tournament (série Bass) Jig-N-Worm et Dock Sniper, mesurant respectivement 2m03 et 2m13 pour des puissances MH et H.
Les deux sont capables de travailler n’importe quel jig du marché et mon choix ne se fait qu’en fonction des milieux et des populations de poissons qui les fréquentent. À vrai dire, je ne réserve généralement la Dock Sniper qu’aux pêches les plus musclées tant sa petite sœur est déjà diaboliquement efficace.
Le moulinet doit quant à lui bénéficier d’un ratio assez élevé, et ce, pour différentes raisons.
La principale, c’est que l’animation des jigs se faisant essentiellement à la canne, une récupération rapide permet de ravaler promptement le mou de la bannière entre chaque phase de traction. Cela a pour effet d’optimiser le contact avec le leurre et, par extension, d’améliorer la détection des touches et plus largement notre efficacité.
Plus accessoirement, cela autorise les adeptes du power fishing, qui souhaitent se concentrer uniquement sur la prospection des postes marqués, à pêcher plus vite et raccourcir au maximum les phases de récupération linéaire en pleine eau avant de relancer. En dehors du cadre des compétitions, pour lesquelles cet argument sur la vitesse d’exécution est assez facilement admissible, ce facteur peut avoir son importance lors de dérives relativement soutenues en rivière en permettant de multiplier les lancers et donc le nombre de « trouées » visitées pendant le déplacement du bateau…
Enfin, mais c’est très théorique, cela permet également d’extraire plus rapidement le poisson de son abri lorsque l’encombrement interdit de rendre le moindre centimètre de ligne.
J’utilise bien évidemment une tresse assez forte (23/100 pour la MH et 28/100 pour la H) en 4 brins, bien plus résistante à l’abrasion que la 8, et régulièrement une tête de ligne de deux mètres environ en 40% fluoro (toujours pour la résistance à l’abrasion mais c’est de moins en moins systématique et je ne réserve ce type de précaution qu’aux structures que je juge particulièrement « agressives »). Mon montage est enfin complété par un bas de ligne fluoro en 80%.
Voilà, j’arrive au terme de ma présentation et espère au moins vous avoir donné envie d’essayer cette pêche hyper intéressante et ludique. Tous les carnassiers sans exception s’y laissent prendre mais les brochets peuvent clairement être spécifiquement visés : le jig est à n’en pas douter un leurre exceptionnel pour les tromper.
N’hésitez pas à l’utiliser régulièrement et profitez de son extraordinaire rendement. Les résultats enregistrés par ses utilisateurs convaincus sont là pour en témoigner.
Franchissez le cap et faites-vous plaisir, vous aussi, en pratiquant une technique aussi fun qu’efficace…
Et en bonus, retrouvez la sélection matériel de Cyril ici et une courte vidéo présentant les actions de nage de ses différents combos favoris :